Les deux années qui délimitent cette période font partie des moments phares de l’histoire de l’École d’Ingénieurs de Fribourg (EIF). Elles marquent l’édification de deux bâtiments qui auront un impact considérable sur le développement de l’école. Le premier, capable d’accueillir plus de 700 étudiant-e-s, répond à la croissance des effectifs des années 1960. Il est contruit pour encourager et participer au développement économique et social du canton. Le second, conçu notamment pour être l’hôte de la filière d’informatique – fraîchement arrivée – permettra à l’école de remplir toutes les conditions nécessaires à l’obtention du statut de Haute école spécialisée (HES).
Les années 1975-2002 sont aussi celles de François Hemmer, directeur emblématique de l’école (1980-2002), dont nous brosserons le portrait tout prochainement. Sous sa direction, l’école se verra dotée en 1991 d’une nouvelle loi d’organisation, remplaçant celle de 1903, devenue désuète.
Un bâtiment tant attendu
Nous évoquions dans notre précédent chapitre le manque d’infrastructures auquel l’École d’ingénieurs est confrontée dans le courant des années 1960. Face à l’arrivée croissante de nouveaux élèves, elle doit réagir.
Après des années de travail, c’est chose faite. Le 7 février 1975, à 15h, le nouveau bâtiment de l’EIF est inauguré. Les autorités civiles, les représentants des milieux économiques et industriels ainsi que les professeurs et les élèves répondent présent.
A cette occasion, Jean-Marie Gobet, directeur de l’école entre 1974 et 1980, prononce un discours dans lequel il présente les avantages de ce nouveau bâtiment:
«Compte tenu de ces impératifs et des signes de grande fatigue qu’il montrait, l’ancien bâtiment ne pouvait plus remplir sa fonction. D’une part, sa structure ne se prêtait pas à l’aménagement de laboratoires tels qu’on les conçoit pour un enseignement moderne et adapté aux exigences de la technique actuelle. D’autre part, les locaux dans lesquels se donnaient auparavant les leçons et dont certains, à vrai dire, ne méritaient même plus d’être appelés salles de classe, devenaient trop exigus pour pouvoir admettre une croissance constante du nombre des étudiants, croissance due en partie à l’essor réjouissant de l’économie dans notre canton.
Aujourd’hui, le nouveau bâtiment des cours du Technicum est une réalité. Au début de la présente année scolaire, élèves et professeurs ont pu occuper presque tous les locaux; un seul laboratoire n’a pas encore reçu tout l’équipement qui avait été prévu.
Déjà l’expérience montre que la grande majorité des solutions choisies étaient judicieuses et qu’aucune d’entre elles n’était luxueuse.
Les salles de cours sont simples et bien éclairées, leurs sols sont recouverts d’un tapis très résistant et qui amortit considérablement le bruit, créant ainsi une atmosphère favorable au travail intellectuel.
La conception modulaire de l’ensemble permet, au début de l’année scolaire, une répartition facile des classes en fonction de leurs effectifs variables d’une année à l’autre et malgré l’encombrement du mobilier de dessin technique. Actuellement, le nombre moyen d’étudiants est de 16 par classe. Dans le cas fictif où toutes les salles devenaient simultanément pleines, le bâtiment contiendrait un peu plus de 700 élèves.
Les laboratoires sont dotés d’un équipement de base moderne et bénéficient tous de possibilités d’extension proportionnées à la capacité de l’ensemble.»[1]
A la fin de son élocution, le directeur revient sur les coûts de la construction. Estimée à 15,3 millions de francs, la dépense totale pour cette dernière se situera plutôt aux alentours des 17,8 millions de francs:
«Le crédit qui avait été accordé pour la construction de ce bâtiment dans le décret voté par le Grand Conseil au mois de mai 1970 s’élevait à 15 millions 300.000 francs. Dans ce montant, on n’aurait de toute évidence pas pu prendre en considération l’augmentation impressionnante que devaient subir les coûts de la construction en général pendant toute la durée des travaux.
Un calcul rétroactif nous permet de dire aujourd’hui que, pour rester dans les limites du crédit accordé initialement et indexé conformément à l’échelonnement des travaux entre 1971 et 1974, la dépense totale devrait se situer aux environs de 17,8 millions de francs.»
Le conseiller d’État Pierre Dreyer prend ensuite la parole. Il inscrit la construction de ce nouveau bâtiment dans la volonté des autorités d’encourager le développement économique et social du canton:
«La construction du nouveau bâtiment des cours s’est inscrite dans une politique délibérée, au service du développement économique et social du canton, qui postule, à la base, la mise en place de toute une infrastructure dont l’enseignement est la pierre angulaire. Les investissements du canton, consentis au prix de lourds sacrifices dans les divers secteurs des activités, seraient vains s’ils n’étaient pas accompagnés d’un effort correspondant dans la formation de la jeunesse. C’est ainsi qu’en l’espace de quelques années, le Grand Conseil, fidèle aux programmes successifs de législature élaborés par le Conseil d’État, a donné la priorité au secteur de l’enseignement. Il s’agit là d’investissements, au sens propre du terme, et non de dépenses; ces deux notions sont hélas trop souvent confondues par ceux qui sont hantés par l’ampleur de décaissements dépourvus d’une rentabilité immédiate qui devrait en être la contrepartie; les effets des sacrifices de notre génération ne peuvent se manifester qu’à long terme. Il est à cet égard des produits qu’on ne saurait matérialiser et qui, tout en étant immatériels, n’en restent pas moins des valeurs sûres.»[2]
Pour un volume de 53’300 m3, la nouvelle école est capable d’accueillir 700 étudiant-e-s au sein de 42 salles qui comprennent:
- Trois auditoires;
- Salles de construction et de dessin;
- Atelier d’électronique de l’école des métiers;
- Laboratoires de haute tension, de machines électriques, de télécommunications, d’hydraulique, d’électronique, de langues, de chimie, de physique;
- Salle de conférence de 250 places;
- Cafétéria;
- Salle de lecture;
- Bureaux de l’administration.
1983-1984: on songe déjà à un nouveau bâtiment
Dès le début des années 1980, la nécessité de construire de nouveaux locaux se fait sentir. Les candidat-e-s à l’école sont toujours plus nombreux, si bien qu’on nomme trois doyens: Jacques Crausaz à l’électrotechnique, Jean-Pierre Brügger au génie civil et Pierre Zwick pour l’École des chefs de chantier.
Parallèlement, l’arrivée de l’informatique et des télécommunications, que nous évoquerons prochainement, n’arrange pas la situation. Le Conseil d’État charge une commission d’étudier les besoins de l’école. Alors qu’on songeait d’abord à une extension des infrastructures existantes, la construction d’un nouveau bâtiment devient inéluctable.
La plaquette du centenaire de l’école revient sur les différents moments clés de ce projet de construction:
1983: le Conseil d’État charge une commission d’étudier les besoins de l’école en locaux. Un crédit de CHF 75’000.– est accordé pour l’examen. Le plateau de Pérolles apparaît comme l’endroit idéal.
1984: avant cette date, on parlait plutôt d’extension des locaux. Dès lors, il est question d’un nouveau bâtiment. Une étude de faisabilité est confiée au Bureau d’architecture Joye-Decroux, dont la mission consiste en l’étude des terrains disponibles sur les parcelles environnantes. L’État et la Ville se mettent d’accord. Un concours d’aménagement est lancé.
1985: 26 dossiers de projets sont déposés. 6 sont retenus et exposés à l’École du Jura.
1986: le 17 septembre, le projet est finalement attribué au premier prix du concours, le Bureau d’architecture Herren und Damschen, installé à Berne.
1987: les activités de la Commission de bâtisse de la nouvelle École d’ingénieurs, présidée par le conseiller d’État Edouard Gremaud, débutent le 7 décembre.
1989: le 17 février, le Grand Conseil fribourgeois approuve le projet de la nouvelle école. Le 4 juin, les Fribourgeois-e-s se prononcent en faveur du projet: le crédit de 105 millions est accepté par une très forte majorité des votant-e-s. Le canton souhaite que cette école soit aussi celle des Alémaniques. Nous reviendrons dans un prochain article sur l’importance qu’a pris le bilinguisme dans le débat sur cette construction.
1991: le premier coup de pelle est donné par le conseiller d’État Gremaud.
1995: le bâtiment ouvre ses portes.
Ce nouveau bâtiment marque un tournant dans le développement de l’école, lui permettant de remplir les conditions exigées pour accéder au statut de Haute école spécialisée (HES). Dans le rapport annuel 1995-1997, François Hemmer, alors directeur, précise:
«Dès sa conception, une des priorités était de prévenir les besoins des HES. C’est dans cette optique que furent réalisés les salles de cours, les laboratoires, l’ensemble des infrastructures et la mise à jour des divers équipements. Chaque professeur dispose désormais d’une place de travail sur place. C’est un atout extrêmement important pour le bon fonctionnement de l’École. Les nombreuses personnes, du milieu économique et de la formation, qui ont eu l’opportunité de visiter notre bâtiment, en reconnaissent les qualités […] Le bâtiment a été conçu en vue de la réforme qui s’annonçait dans la formation professionnelle en Suisse. Il s’agissait de créer une voie de formation parallèle à la voie universitaire classique pour donner aux jeunes la possibilité d’obtenir un diplôme de niveau universitaire répondant aux normes européennes. La maturité professionnelle intervient également dans le cadre de cette réforme qui aboutira à la création des Hautes Écoles spécialisées.»[3]
En avril 1995, la HES-SO est créée pour réunir, à la demande de la Confédération, l’ensemble des écoles candidates au statut de Haute école spécialisée. Nous y reviendrons prochainement.
1991: une nouvelle loi d’organisation pour l’école
L’Ecole de métiers a été fondée en 1896, mais il a fallu faut attendre 1903 pour qu’elle reçoive sa première loi d’organisation. Une fois mise en place, cette première base légale est restée en vigueur près de 90 ans, avant d’être remplacée en 1991.
La nouvelle loi d’organisation de l’École d’ingénieurs du 13 novembre 1991 comporte 7 chapitres et 36 articles. Ces derniers régissent différents aspects tels que les dispositions générales, l’organisation de l’école, les étudiants et professeurs ainsi que, grande nouveauté, les activités de recherche appliquée et de développement:
«Chapitre cinquième:
Activités de recherche appliquée et de développement.
Art. 25 – Les activités de recherche appliquée et de développement mentionnés à l’article 3 lettre c de la présente loi prennent la forme de travaux pour des tiers et de projets internes.
L’exécution de travaux pour des tiers doit obéir aux règles de l’économie. L’École veille cependant à ne pas fournir des prestations déjà largement offertes par le secteur privé.
Les activités de recherche appliquée et de développement doivent contribuer à la qualité de l’enseignement à l’essor économique du canton.»[4]
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[1] Rapport annuel de l’année 1974-1975, pp. 14-19
[2] Rapport annuel de l’année 1974-1975, pp. 23-25
[3] Rapport annuel de l’année 1995-1997, p. 3.
[4] Plaquette du centenaire de la HEIA-FR, p. 60